dimanche 14 décembre 2008

Solitude ou la foule du Quick


La chaleur humaine. Un mythe. La foule est le lieu le plus froid que l'on peut rencontrer sur terre. La solitude est un problème. Etre solitaire non. Dans une foule, quant on est seul, c'est la solitude qui nous frappe. Sa propre solitude ou celle des autres. Dans tous les cas, être seul au milieu d'un paysage naturel serait bien plus souhaitable. A mon avis.

Car cette personne assise au fond du Quick en bleu, les cheveux courts, n'a pas l'air de penser de même. Même si elle est seule, elle sourit de ce monde alentour. Ah non. Je me suis peut-être trompée, une grande tristesse la prend soudain. Alors ? est ce là le problème de la foule urbaine comparé au milieu naturel ?La stabilité et la paix ne se trouvent pas dans la foule. Le contact avec les autres peut nous amuser, nous faire sourire, nous redonner espoir ; mais, la minute d'après nous dégoûter, nous rendre triste au point de perdre tout espoir dans le genre humain.

La personne seule scrute. Il sera toujours plus apaisant de scruter les pans d'une montagne, les vagues contre les rochers, les jeux du soleil sur la face de la terre qu'observer les agissements humains et leurs contradictions exaspérantes. Pourtant au contacte de la foule, le miracle se produit. La rencontre de l'autre qui du fait du manque de chaises et de tables dans un fast food vient s'asseoir aux cotés de la personne en bleu aux cheveux courts. C'est peut-être que quelques mots échangés, un sourire. Mais définitivement le sentiment de n'être plus tout à fait seul. Tout est question de savoir ce que l'on recherche. Il est vraiment bien plus agréable à mes yeux d'observer la nature profonde que de voir l'homme en groupe incohérent.

 Je me révolte pour cette personne seule en bleu et aux cheveux courts teints en blonds qui quémande d'une certaine manière, un regard bienveillant, un sourire, un mot.  Deux minutes après, les jeunes à ses cotés déplacent la table de dix centimètres en arrière. C'est futile comme geste. Pourtant terriblement vexant et insultant ?! Ce geste signifie que non la personne en bleu n'accompagne pas ces jeunes, que d'une certaine manière ce serait insultant qu'elle soit assimiler à eux ? Et comble de la solitude, la chaise qui faisait face à la personne aux cheveux courts est retirée. Seule. tu es seule, exclue. C'est si simple l'exclusion.  Si banal et quotidien que le mot choc n'y est plus attaché. Ce n'est pas choquant car c'est habituel. Ce n'est pas choquant car tout le monde le fait. Tu es seule donc je peux m'éloigner de toi et te prendre toute possibilité de contact éventuel.

Croyez-vous que quelqu'un lui demandera si elle part bientôt? Ou trop seule et trop consciente de sa solitude, elle repartira d'elle même. Je n'en sais rien, un peu des deux sans doute.

Et moi, dans cette histoire, je suis l'observateur neutre et froid. Je participe à cette solitude et comble la mienne par l'écriture.

Et si je m'étais trompée? Si la personne en bleu ne cherchait pas le contact humain mais seulement la chaleur de la salle et un peu de nourriture? La possibilité de se reposer aussi. La voilà, la tête couchée dans ses bras croisés sur la table. La solitude, la faim, le froid, le froid de la solitude, la faim accentuée par le froid, l'homme seul qui a faim. Je suis toujours l'observateur froid qui décrit ce qu'il voit. Moi aussi dans cette enseigne de restauration rapide, j'ai comblé ma faim, combattu le froid qui m'avait saisi, et trouvé l'humain. Et cette vie, cette vie qui nous saisit. Les rires des enfants, les commandes toujours les mêmes mais toujours différentes, les personnes âges, les mères avec leurs adolescents incompris, les groupes de jeunes qui au lieu d'aller à la cantine du collège apprécient pouvoir manger gras ensemble sans regard adulte. Cette vie est finalement plus choquante. Elle revendique, elle bouscule, elle crie, elle s'exprime à pleins poumons. La discrétion de la solitude est plus forte.

La discrétion, c'est souvent ce que la personne seule va souhaiter. "Ne remarquez pas que je suis seule", "laissez moi être parmi vous sans que vous me voyez". C'est révoltant d'injustice pourtant si logique. La solitude est une souffrance, il n'est pas souhaitable d'afficher sa souffrance. Que les autres puissent voir que l'on souffre, c'est finalement la preuve irréfutable que notre souffrance est grande. On espère donc que personne ne nous remarque, ce serait l'idée que si évident que c'est marqué sur notre apparence.

La personne en bleue se lève, ramasse son cabas vert, range son plateau et s'en va. Son futur nous est inconnu comme l'était son passé. C'est pour le mieux. Chacun à son intimité. Espérons qu'elle a trouvé ce midi ce qu'elle cherchait.

Une femme et sa fille viennent s'asseoir à sa place. Je devrais m'en aller car les places commencent à manquer et je paraît comme un intrus qui empêche d'autres de s'asseoir. Un café sera plus approprié pour continuer.

La suite : Un café

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